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Publié le :

30 oct. 2024

Dernière mise à jour :

2 déc. 2024

par

Laurentine

Jean-Pierre Legrand et Philippe Remy-Wilkin pour un essai complet sur le cycle Asmodée Edern

Essai complet sur la fresque des 5 Tomes

« JEAN-PIERRE :

Dans une interview donnée à l’occasion de la parution de Retour à Montechiarro, Vincent Engel confiait :

« Je voue de fait une grande passion à l'histoire, même si je pense que je n'aurais pas fait un bon historien. Je m'implique trop dans ce que je fais. C'est la fiction qui me permet de joindre les deux bouts. »

« Joindre les deux bouts » ! Comment mieux y parvenir que par le biais d’un roman historique. Car c’est bien de cela dont il s’agit ici. Non pas de l’histoire romancée de personnages réels mais bien d’une fiction totale, enracinée toutefois dans le terreau de l’Histoire.

PHIL :

Un roman historique, certes, mais sans les défauts de la plupart des romans historiques. Car Vincent Engel réussit la gageure d’un hommage à la littérature française du XIXe siècle dénué de tout passéisme, infiltré même par des touches de post-modernisme. Comme un Charles Palliser l’a accompli dans son Quinconce, qui ressuscite Dickens en épousant une perspective décapée. On rappellera ici que Vincent Engel est aussi, dans une autre vie (universitaire), un professeur de littérature contemporaine.

JEAN-PIERRE :

Centré sur l’Italie et plus focalisé encore sur la Toscane, le roman s’articule sur cinq générations de femmes se distribuant en trois époques emblématiques – le Risorgimento, la période fasciste, les années de plomb – séparées chacune d’une solution de continuité de trente ans environ. Cet étirement de la narration sur un temps long lui donne une portée herméneutique : transcendant les temporalités, il suggère des invariants que l’on retrouve en creux des embardées du siècle passé : la violence masculine et la soif de domination qu’elle porte, la révolte, moteur de l’action toujours menacée de se retourner en certitudes sanglantes. Sur un plan plus général, ce qui a fait la fortune de Venise porte en germe la faillite morale de l’Italie à venir :

« Les Vénitiens ont dressé les quatre piliers du monde moderne : le commerce et le pouvoir comme valeurs suprêmes, la culture pour faire diversion. Et le ghetto. »

Tout est dit.

PHIL :

Notons cet invariant du « cycle toscan », pour la première fois décliné : une oscillation entre deux pôles italiens : la Toscane (et Montechiarro) et Venise.

JEAN-PIERRE :

Au centre du roman, la période fasciste de l’Italie est sans doute la plus attentivement reconstituée. L’ascension de Mussolini, les faisceaux de combat, les squadristes, la marche sur Rome, l’assassinat de Matteotti, l’entrée en guerre, la chute du régime, tout est suggéré plus qu’explicité et contribue à un effet de grande vérité historique, sans nuire un instant au souffle romanesque. Le fascisme italien apparaît pour ce qu’il est : une tentative presque burlesque de modernité alternative fondée sur un citoyen-soldat débarrassé du sentimentalisme et de la pitié hérités du christianisme.

Dépourvu de corpus idéologique plus ou moins élaboré comme le nazisme ou le marxisme, le fascisme italien plonge ses racines dans un courant esthétique subtilement évoqué par Vincent Engel : le futurisme. Et de parsemer son roman de quelques citations du Manifeste futuriste de Marinetti, l’une des figures de proue du mouvement :

« Nous voulons chanter l’amour du danger, l’habitude de l’énergie et de la témérité (…) La guerre est la seule hygiène du monde (…) La splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. »

Sur ce dernier sujet de la vitesse, on sait que le régime fasciste vouait un culte à l’automobile et s’enorgueillissait de faire arriver tous ses trains à l’heure. Un petit leitmotiv essaime dans tout le roman jusque dans ses dernières pages : celui de la gare de Montechiarro fantasmée par la famille Coniglio et qui ne verra jamais le jour. La révolution fasciste porte à son paroxysme la déchéance des valeurs éthiques au profit des valeurs pratiques.

Il n’est pas étonnant que la période fasciste occupe la partie centrale du roman : elle puise son impulsion dans la poussée nationaliste qui la précède et prolonge au sein des années de plomb sa meurtrière fascination pour la violence. Au fond ce n’est pas tant l’Histoire événementielle qui importe ici que son poids sur les existences individuelles et la mise en évidence de la porosité des époques.

PHIL :

Observation essentielle ! Qui ouvre la porte à la dimension supérieure du roman, dont la littérarité fait exploser l’étiquette, la gangue du roman historique. »

 

Sur le site de l’éditeur, on peut aisément commander le livre ou de le découvrir gratuitement en ligne :  

https://www.samsa.be/livre/que-faire-7

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